Histoire de la collection du musée des Arts décoratifs

L’ouverture du Japon au reste du monde durant la seconde moitié du xixe siècle permit la découverte d’objets d’art dont les gardes de sabre, par les Occidentaux qui constituent alors de vastes collections. Le musée des Arts décoratifs, alors nommé Union Centrale des Arts décoratifs, acquiert ses premiers tsuba en les achetant auprès de Charles Langweil, antiquaire, en mars 1891. C’est donc très tôt que le musée s’intéresse à ces objets qu’il continue d’acheter auprès de Langweil et son épouse, Florine Langweil, ainsi qu’à la vente publique en avril 1891 de la collection de Philippe Burty, critique d’art, dessinateur et collectionneur dont la passion pour le Japon lui donne une place importante dans la diffusion du goût pour l’Extrême-Orient en France. Le musée reçoit par la suite des dons de plusieurs amateurs collectionneurs comme le conservateur du musée des arts décoratifs Louis Metman et le journaliste Raymond Koechlin, entre autres. Enfin, des legs viennent enrichir la collection comme ceux de Raoul Duseigneur en 1916 et de Charles Cosson en 1926, lesquels donnent respectivement 53 et 70 gardes de sabre au musée. La collection du musée se constitue donc grâce à un intérêt pour cet objet d’art qu’est le tsuba mais également grâce à des passionnés qui permettent de rassembler près de 280 gardes de 1891 jusqu’en 1954 avec le don du Baron Max Fould-Springer.

En parallèle de ces acquisitions, le musée des Arts décoratifs organise à deux reprises des expositions consacrées à ces tsuba avec l’appui de nombreux collectionneurs qui prêtent pour l’occasion quelques-uns de leurs propres tsuba. Ces deux événements sont dirigés par Georges de Tressan, officier de l’armée de terre et grand amateur et collectionneur d’art japonais. La première exposition, organisée en 1910, est intitulée Exposition de gardes de sabre japonaises et se centre sur les tsuba seulement. La deuxième, se déroulant un an plus tard, propose d’observer, en plus des gardes, des kozuka, poignées de sabre, des kôgai, fines lames, et des inrô, boîtes à médicaments, sous le titre d’Exposition de garnitures de sabre et d’inrô japonais. Ces deux événements permettent alors de présenter au public français l’histoire des gardes de sabre et les techniques des artisans japonais que les collectionneurs admirent et apprécient, partageant ainsi un intérêt et un goût prononcé pour un pays lointain et qui les fascine.

La large diversité de la collection

La collection de gardes de sabre du musée des Arts décoratifs réunit près de 280 objets dont la diversité permet d’apprécier la technique et la créativité des métallurgistes japonais ainsi que de présenter l’histoire des tsuba et de la collection au public. Nous pouvons ainsi observer des gardes au décor « simple » mais dont la forme donne un intérêt tout particulier (ex. inv. 17648) ou bien des gardes aux motifs variés allant de la faune (ex. inv. 20289) à la flore (ex. inv. 6507), des emblèmes (ex. inv. 25381) aux objets quotidiens (ex. inv. 6333) sans oublier la représentation de mythes et légendes (ex. inv. 6710).

Ajoutées à cela des formes variées, près d’une vingtaine dans la collection, qui nous permettent d’admirer et comprendre les choix de composition ou de mise en scène du créateur sur un objet puisque les formes sont multiples et présentent chacune des avantages et inconvénients dans l’ornementation. À cela se mêle aussi les alliages de métaux qui donnent à la collection cette richesse non seulement de matériaux mais aussi de couleurs.

Ainsi, le musée des Arts décoratifs possède une collection tout à fait unique de gardes de sabre, une collection haute en couleurs, en formes et en décors.

L’influence des tsuba dans le Japonisme

Les gardes de sabre enrichissent d’idées créatives le mouvement artistique du Japonisme, très actif au moment où le musée constitue sa collection. Par la combinaison d’un motif inscrit dans une forme imposée, les tsuba influencent les artistes occidentaux qui les utilisent donc comme modèles et sources d’inspiration pour leurs propres créations, notamment dans le domaine des bijoux ou de l’accessoire de mode. Les motifs privilégiés sont les végétaux et animaux. Les fleurs comme l’iris (inv. 6342), la fleur de cerisier et la glycine (inv. 25372) servent d’inspiration, dans leurs compositions, à des broches (inv. 995.22.1) et des vases (inv. D 296), tout comme le bambou et la sagittaire (inv. 9361 et inv. 6507). La grue (inv. 991.1090 et inv. 25379) et le dragon (inv. D 212 et inv. 20289) sont des exemples d’animaux, réels ou fantastiques, choisis comme motifs pour de nouvelles œuvres. En outre, les différentes formes des gardes de sabres servent parfois de « cadres » qui s’allient à des motifs asiatiques (inv. D 947 et inv. 8161).

Parfois, des sujets purement japonais peuvent venir des tsuba ou d’autres sources artistiques telles que l’estampe, les textiles, les katagami… comme les samurai (inv. 20299), repris dans les créations européennes (inv. A 3), montrant alors toute l’influence de la culture japonaise à cette époque artistique que les amateurs de l’Extrême-Orient et de ses arts ont initié durant la seconde moitié du XIXe siècle.

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